[Accepté] Namiko

Elle se tenait à la fenêtre, admirant la fine pluie qui tombait obstinément depuis deux jours.
Son regard revint vers la carte posée sur la table en bois.

- Et par là, le long de cette cote, il y a des choses intéressantes à voir ?

Son interlocuteur, un homme ridé, enveloppé dans un manteau de laine qui avait connu des jours meilleurs, répondit :

- Ho par là m'dame, ya pas grand chose ! Vous savez, c'pas une région très peuplée dans l'coin.
M'enfin ya ben quelques villages d'pécheurs, si vous voulez. D'ailleurs j'ai l'fils d'une cousine à moi qu'habite un trou paumé là bas, si vous t'nez vraiment à visiter l'coin il pourra vous rencarder. C'est Rhuurg qu'il s'appelle.
Pis avec ma carte, vous pouvez po vous tromper, ya pas plus clair !

L'homme mâchonnait une chique d'herbe locale qui avait la particularité de rendre les dents vertes à force d'en consommer, d'où son surnom "la verte". Évidement le souci était l'haleine fortement présente que cette chique donnait, et l'homme faisait de son mieux pour ne pas indisposer la femme qui lui faisait face.
C'est qu'il avait une carte à lui vendre, donc fallait pas indisposer sa cliente.
Drôle de bonne femme en tout cas, elle avait beau être habillée de manière quelconque on sentait qu'elle avait quelque chose de plus - ou de moins - que les gens du village. Une certaine distance peut être.
Son visage assez clair aux fossettes lisses et roses, ses mains fines et sans cales, sa bouche toujours souriante, pour sur c'était pas une gamine du coin.
Plutôt mignonne d'ailleurs la ptite, mais pour se balader seule dans les parages elle devait surement savoir se servir du bâton de marche posé à coté d'elle, à moins qu'elle planque une lame, qui sait... Il avait pas envie de vérifier en tout cas.
Tout de même, fallait être un peu timbré pour se promener dans la région, c'était ni très sur ni très accueillant.

Namiko sourit, évitant autant que possible de respirer l'air en face de l'homme.
- Bien, c'est entendu alors, merci pour vos conseils et vos informations. Et pour la carte bien sur.
Elle fit glisser quelques pièces vers l'individu, monta à la chambre de l'auberge chercher son sac, et se dirigea vers la porte principale.

- Euh m'dame, z'allez quand même pas partir par c'temps là ? Lui lança, étonné, le rustre aux dents vertes.
- Pourquoi pas ? répondit elle en riant, ce n'est qu'un peu d'eau, ça rafraichit !

Drole de donzelle, se dit il, crachant un jus verdâtre dans le pot prévu à cet effet.

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Contre toute attente, la carte s'était avérée globalement juste. Non pas que ça ai une grande importance à vrai dire, elle n'avait pas de but précis en tête, mais elle aimait bien savoir où elle était.
Cette région était effectivement peu peuplée et elle avait du fuir quelques fois devant la faune locale, mais ces paysages avaient un charme qui plaisait à son âme vagabonde.
Elle avait trouvé le dénommé "Rhuurg", pécheur de son état, et à son grand plaisir c'était aussi grand amateur de récits locaux et légendes en tout genre.

Que Pandemonium semblait loin en ces terres sauvages... Illusion bien sur, car avec assez d'argent tout Daeva pouvait voyager bien vite, mais quel Daeva irait trainer dans ce coin perdu ? A part elle-même bien sur.
Chassant ses pensées, elle écouta à nouveau les paroles du pécheur.
- "... enfin c'est c'qu'on dit. Faut ptetre pas tout croire, mais faut avouer qu'ils sont étranges quand même.
- pardon ? de qui parlez vous ? j'étais perdue dans mes pensées
- bah, des types qui vivent dans les brumeuses
- les brumeuses ?
- ouai, c'est comme ça qu'j'apelle les îles là bas, 'fin on les voit pas d'ici, mais c'est dans l'coin. Ya un bateau qui passe ici de temps en temps, il y va.
- et il y a quoi là bas ?
- une bande qui vit isolée, ils achètent parfois des trucs au village : outils, nourriture, moi tant qu'ils paient ça m'va. J'discute parfois avec les marins du bateau, parait qu'ils sont un peu bizarre là bas, m'enfin z'ont pas l'air trop dangereux.
- j'irai peut-être voir
- revnez m'raconter alors, hein !"

Elle n'avait eu que deux jours à attendre avant de voir la silhouette du Carabin Noir arriver dans le port. Il restait à espérer que les personnes "étranges" n'étaient pas hostiles, elle se voyait mal rentrer à la nage et c'était surement trop loin pour voler.
Curieusement le voyage était gratuit, et la traversée assez rapide. Peu de monde sur le bateau, sans surprise.

Le soleil était déjà bien levé lorsqu'elle mis les pieds sur "la grande", la seule ile que les marins lui avait indiqué comme habitée.
Quittant le ponton grinçant, elle chercha du regard une présence humaine qui pourrait la guider en ces lieux.

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Spoiler:

Était-elle distraite, ou son interlocutrice discrète ? En tout cas la personne qui s'adressait à elle ne semblait pas menaçante, c'était déjà un bon point.

- L'archipel des Sibyllins ? Voila qui semble bien énigmatique ! Mais pardon, je manque à toutes les politesses.

Elle jugea du regard la femme. Non, décidément ce n'était pas une locale, et certainement pas un pécheur. Quelque chose dans sa posture, son assurance peut être, trahissait un autre héritage. Décidément un lieu étrange et incongru pour une telle rencontre.

Je m'appelle Namiko, vagabonde des rimes,
Le hasard de mes pas m'a conduit en ces lieux,
Emportée par le chant de l'onde et du vent.

Namiko sourit et salua respectueusement son interlocutrice.

Je parcours les chemins glanant à l'occasion
Récits et aventures au fil des saisons.
Serait est ce indiscret, trop de curiosité,
Que de vous demander quels sont ces sibyllins
Vers le rivage desquels m'a poussé le destin ?

Spoiler:

(arggg un clic malheureux m'a fait perdre mon texte ! j'enrage ! tant pis, je refais en plus court)

Une légion, ici ? Namiko ne put cacher sa surprise.

Nul insigne sur les vêtements de Sissel, et les formes des bâtiments qu'elle pouvait apercevoir n'avaient rien de militaires. Une légion Daeva en ces lieux ? Voila qui était tout à fait étonnant.

Soit, vos mots ont piqué ma curiosité !
Et si sur ce rivage les errants sont admis,
sur cette fameuse Cohorte ferez vous la lumière ?

Namiko laissait son regard courir sur les pages qu'elle avait déjà lu trois fois. Songeuse.

L'existence de ce groupe singulier donnait envie de poser son sac un moment. Un jour, un mois, un an... qui sait. Retournerait elle dans l'armée ?
Elle haussa les épaules.
Les hasards du destin en décideront, ils m'ont conduit ici, restons y un moment.

Elle sourit.

Sissel ? Elle chercha du regard l'intendante, décidément habile à être discrète.

Impressionnée par la présence de son interlocutrice, Namiko baissa le regard et prit les feuillets vierges après un léger remerciement de la tête.

Elle qui avait si souvent la tête traversée de rimes se trouvait en panne lorsqu'elle cherchait volontairement l'inspiration.
Les feuilles, obstinément blanches, semblaient se moquer d'elle, la défiant de les souiller avec de l'encre.

Rêveuse, elle repensa au début de ce long voyage, dans le bureau de son capitaine. C'était un cousin de sa mère adoptive, certains jaloux traitaient Namiko de planquée, c'était pas tout à fait faux. Et alors ?
"- Non capitaine, dit elle sur un ton respectueux mais ferme.
- Combattre est plus que notre devoir, c'est notre nature ! Nous devons reconquérir les abysses, et tous doivent y participer. Nous recevons la grâce d'Aion pour ça, nous vivons pour ça, nous mourons pour ça, et nous revenons à la vie pour ça.
- Vous souvenez vous du bruit de l'eau dans une rivière, du chant du vent dans les arbres ? Captez vous encore une autre odeur que celle du sang ? Je ne connais que depuis quelques années les champs de batailles et déjà parfois je ne parviens qu'avec peine à me souvenir de cela.
Dites moi, capitaine, qu'en est t il après plusieurs siècles ?
Je ne vous demande pas de m'autoriser à quitter à jamais le combat de notre peuple, je vous supplie simplement de me laisser quelques années pour trouver à ma manière un moyen de défendre notre héritage d'une façon qui me convienne mieux.
Et si je n'en trouve pas, au moins me permettre, l'espace d'un instant avant de revenir, de profiter encore un peu des gouts et des couleurs, des souvenirs des mortels. "

Son capitaine l'avait regardé longtemps, impénétrable. A quoi avait il pu penser ? L'avait t elle ému ou bien se livrait il à de complexes calculs politiques ?
Qu'importe, il l'avait laissée partir, officiellement en "mission de reconnaissance et surveillance du territoire, non assignée à un rapport régulier" mais personne n'était dupe : elle n'avait pas d'autre mission que de faire se qu'elle voulait où elle voulait.

Lentement les mots se formaient dans sa tête et glissaient sur les feuilles, comme mus par une volonté propre.

Citation :

A toi qui semble en ces lieux organiser quelque peu le chaos, et que Sissel nomme La Louve.

Le parcourt de mes pas m'a amené ici,
et je goute en ces lieux un calme inattendu.
Pour seul guide le hasard, me serais je perdu ?
La vie est un voyage qui n'est jamais fini.

Je n'ai que peu d'amis mais encore moins d'ennemis,
et je ne fuis rien à par peut être moi même.
Je sais aussi me battre quand je m'en donne la peine
encore que je préfère faire sourire autrui.

En échange d'un gite je mettrai volontiers
mes talents et ma plume à votre disposition.
Je ne veux cependant pas de nouvelle prison,
et si le vent m'emporte je partirai voler.

Dans ma fébrilité il faut que je m'excuse
Ni nom ni description ? Nul doute j'ai l'air d'un sot.
Aède est mon métier, et mon nom Namiko.
Dans l'attente évidente que votre réponse fuse.

Namiko

Derrière elle écrivit son nom, puis en dessous après avoir songé un moment : "Zéphyr"